Dossier: Recherches en zones de crise
La bonne recherche est périlleuse
Le fait de mener des recherches dangereuses pour soi peut et doit être discuté, mais faire avancer la connaissance justifie de prendre des risques, écrit Florian Fisch.
En 1984, le médecin australien Barry Marshall ingère une culture de bactéries Helicobacter pylori. Cette expérience indique que les ulcères d’estomac sont provoqués par des bactéries et non pas par le stress ou une nourriture trop pimentée. Une découverte qu’un prix Nobel récompensera vingt ans plus tard.
On peut se demander si prendre autant de risques personnels dans le seul but de faire progresser ses travaux scientifiques (et d’éventuellement rechercher la gloire) est justifié. On comprend la réticence des hautes écoles en tant qu’employeurs, qui doivent éviter que leurs collaborateurs ne subissent des dommages. Leur réputation est en jeu.
Mais la science est là pour repousser les frontières, ce qui ne va pas sans risque. Parce que personne ne sait à l’avance où les découvertes nous amèneront – c’est bien le propre des recherches originales. D’ailleurs, une simple remise en cause d’une théorie en vigueur peut susciter des résistances, voire de l’ostracisme de la part des collègues. De nombreux jeunes scientifiques ont ainsi hypothéqué leur carrière.
Etudier l’origine de conflits entre rebelles armés et gouvernement dans l’espoir d’imaginer de nouvelles solutions ne saurait se faire en restant tranquillement assis dans son bureau à ruminer ce que l’on connaît déjà. Des chercheuses et des chercheurs n’hésitent pas à s’aventurer sur le terrain pour parler avec des groupes potentiellement dangereux. C’est ainsi qu’ils parviennent à recueillir de précieuses informations de première main. Ils ne réunissent pas des faits isolés, mais se forgent sur place une idée du contexte dans lequel les interpréter. Nous leur devons notre gratitude pour ce courage.