Rita Sarkis travaille en pathologie numérique et transcriptomique spatiale à la recherche
translationnelle au CHUV. Elle a présidé l’Association du corps intermédiaire de l’EPFL. | Illustration: Stefan Vecsey

Du laboratoire au lit du patient! Quand on mène des études cliniques, il est captivant de transformer nos innovations en une réalité tangible. Nous développons par exemple des algorithmes qui aident les pathologues à établir leurs diagnostics sur des biopsies et à les intégrer dans leur pratique clinique quotidienne. Cela semble fantastique, mais dans la réalité, c’est tout sauf simple. Au-delà des aspects administratifs et éthiques, un défi majeur persiste: ce domaine tente de rapprocher deux mondes distincts. D’un côté, celui des scientifiques expérimentaux comme moi, de l’autre, celui des équipes médicales.

Ce sont deux mentalités, deux approches et deux langages différents. Dans la recherche, nous pensons horizontalement, nous sommes habitués à travailler ensemble et en groupe. En médecine, beaucoup de choses sont organisées verticalement: l'environnement professionnel est structuré de manière hiérarchique et comprend beaucoup de travail à la chaîne. Ce fossé est souvent perceptible et entraîne des pertes de temps et des malentendus.

«Parfois, tout semble reposer sur les scientifiques.»

La clé du succès est donc de comprendre comment l'autre partie pense et travaille. Des projets naissent ainsi, avec pour point de départ des besoins translationnels, qui exigent alors des compétences expérimentales. Mais la fin est-elle toujours heureuse? Souvent, nous jouons avec l'idée abandonner, tant les difficultés sont nombreuses même si les débuts étaient prometteurs. Notre confiance est mise à l’épreuve: se pourrait-il que les autres comptent sur nous? L’autre partie s’efforce-t-elle aussi de comprendre notre point de vue, notre pensée et nos actions? Parfois, tout semble reposer sur les scientifiques. Il est alors important d’expliquer et de vendre le projet avec confiance, patience et persévérance. Pour cela, nous devons vraiment y croire. C’est la seule voie pour convaincre les médecins qui n’ont guère de temps à consacrer à la recherche. Certains pays favorisent cet échange en finançant systématiquement du temps de recherche protégé côté clinique. C’est pour moi la deuxième clé du succès. Cela peut ressembler à une mission impossible, mais avec de l’enthousiasme pour la transposition dans la pratique, tout est possible. Peut-être nous devrions commencer par là!