Point de vue
«Les dernières années de carrière peuvent être blessantes»
Annette Tettenborn, professeure en sciences de l’éducation, et Peter Tremp, professeur de didactique, voulaient publier un livre dans lequel des scientifiques racontent leur vécu de la retraite. Le projet n’a pas abouti. Ils prévoient désormais un livre avec des articles spécialisés sur le sujet.

Annette Tettenborn dirige l'Institut de recherche sur les professions et l'enseignement de la Haute école pédagogique de Lucerne. | Photo: Matthias Jurt / PH Luzern
Annette Tettenborn, pourquoi faut-il un livre sur la retraite à l’Académie?
Parce que la transition fait partie de la biographie professionnelle académique. Peu de scientifiques s’intéressent à ce passage de statut sous l’angle sociologique – thème pourtant porteur, car les hautes écoles évoluent et sont désormais aussi orientées vers l’entrepreneuriat. La science comme mode de vie et vocation, comme elle l’est encore pour certaines personnes, semble presque obsolète. Nous nous intéressons aux effets de cette tension.
Pourquoi le projet de contributions personnelles n’a-t-il pas abouti?
Quelques uns voulaient participer, mais la majorité nous a écrit: «C’est un très bon projet, mais je n’ai pas le temps, je suis en train de rédiger des publications, j’encadre encore des doctorantes.» D’autres ont mis en avant leurs petits-enfants.
C’étaient probablement des émérites. Quelle est leur part parmi les retraités?
Je l’ignore. Les chiffres de l’Office fédéral de la statistique montrent toutefois que la part des plus de 65 ans dans les universités augmente depuis un certain temps. Le statut des professeurs et professeures émérites varie selon l’institution. A l’Université de Zurich, par exemple, on devient émérite à 65 ans et on a encore son adresse e-mail institutionnelle et des accès aux programmes statistiques ou à la littérature jusqu’à 70 ans. Mais que se passe-t-il quand tout cela disparaît? Que devient alors le soi scientifique? Mais cela commence déjà avant.
Qu’entendez-vous par là?
Ces personnes ne sont par exemple plus consultées lors des commissions de nomination ou à propos des décisions sur la stratégie de l’institution. Ce sont les plus jeunes – dans le bon sens du terme – qui décident. Les dernières années de carrière académique peuvent aussi être blessantes, ou du moins désagréables pour certains. Mais l’inverse existe également: soudain, on est sollicité pour de nombreuses expertises ou pour siéger dans des conseils universitaires. Car les personnes retraitées ont du temps.
Cette perte de statut est-elle taboue?
Le terme est trop fort et la transition peut aussi être un gain de nouveauté. Mais beaucoup n’aiment pas trop penser à la réduction des tâches et aux adieux. Le tabou entoure plutôt les scientifiques âgés qui n’arrivent pas à lâcher prise, qui continuent à faire des choses dont ils ne sont plus vraiment capables.
Quelle marge de manœuvre serait utile pour les retraités selon vous?
Ces personnes possèdent des années d’expertise spécifique. Elles portent un regard éprouvé sur ce qui se densifie, s’accélère et se précise dans les universités. Celles-ci seraient donc bien inspirées de continuer à utiliser ce savoir.