Olympiades scientifiques
Attention, prêt, soyez intelligent!
L’Association des olympiades scientifiques suisses existe depuis vingt ans. Les meilleurs participants sont envoyés aux compétitions internationales. A l’occasion de ce jubilé, cinq médaillés racontent ce que cela leur a apporté.

Srishti Manivel | Photo: Fabian Hugo
«Le concours m’a donné un véritable élan pour essayer des choses.»
«Les Olympiades ont fait prendre un tournant radical à ma vie. La préparation au concours m’a permis d’acquérir une base solide en économie d’entreprise, en économie publique et en finances – et de prendre conscience que je devais élargir mon savoir-faire technique. Avant, je voulais absolument étudier l’économie d’entreprise. Aujourd’hui, j’étudie l’informatique. Le concours comprenait un examen, un jeu de simulation et un business case, pour lequel nous avions exactement vingt-quatre heures. Nous devions recevoir l’énoncé à 3 heures du matin. J’ai donc réglé mon réveil pour ne rien manquer. Ensuite, je me suis rendormie, car j’avais besoin d’énergie. Je savais, pour avoir participé à l’Olympiade internationale en 2022, que nous allions travailler jusqu’à la dernière seconde. Au sein de la délégation suisse, nous avons misé sur le storytelling, ce qui nous a permis de marquer des points. Mais j’ai tremblé jusqu’au bout. La médaille est maintenant accrochée chez mes parents, ce qui donne toujours matière à discussion quand ils reçoivent des invités.
Avant, je rêvais de fonder une ONG. Puis j’ai constaté que l’entrepreneuriat social me permettait tout autant de réaliser mes objectifs. J’ai suivi un cours à option sur la création d’entreprise au gymnase et ai fondé une start-up d’agriculture en intérieur. Nous avons à ce jour vendu plus de 750 jardins d’herbes aromatiques. C’est aussi grâce à ce cours que j’ai participé aux Olympiades.
La préparation en dernière année a été intense. J’ai passé l’été à la bibliothèque plutôt qu’à la piscine. Je venais de terminer mes examens de maturité et j’ai enchaîné directement avec mes études. Mais je ne regrette pas cet effort. J’ai rencontré mes meilleures collègues aux Olympiades, je parle encore tous les jours avec certains d’entre eux. Le concours m’a véritablement donné envie de multiplier les expériences. J’ai remarqué, avec surprise, que j’aimais parler face à un auditoire: j’ai adoré défendre mon projet. J’ai aussi pris conscience de ce que je pouvais achever en investissant du temps et en m’adonnant à ma passion. Vues ainsi, des Olympiades après les examens, c’est comme des vacances gratuites, ou presque.»

Wendelin Stark | Photo: Fabian Hugo
«Ce que la participation m’a apporté de plus précieux, ce sont les amitiés.»
«J’avais un professeur de chimie très engagé au gymnase, qui m’a motivé à participer aux Olympiades de Lausanne. Pour cela, j’ai dû améliorer mon français – un effet secondaire inattendu dont je profite toujours. Ma passion pour la chimie faisait de moi une exception dans ma classe de latin. Ce que je retire de plus précieux de ma participation aux Olympiades, ce sont les amitiés avec des personnes du monde entier partageant les mêmes passions. Et bien sûr, en tant que jeune homme, il était aussi intéressant de découvrir d’autres pays. J’ai trouvé Pékin incroyable. Nous avons reçu 100 francs en monnaie chinoise et, d’un point de vue suisse, nous pensions que cela ne nous mènerait pas loin. Nous nous sommes totalement trompés: nous avons pu tout acheter pendant ces presque deux semaines et sommes retournés chez nous chargés de souvenirs. A l’époque, cela m’avait beaucoup impressionné.
La préparation aux Olympiades internationales était à chaque fois assez intensive: pendant des mois, j’ai fait des essais pendant mon temps libre. Bien sûr, j’étais fier de mes médailles. C’est autre chose de s’imposer au niveau international que dans son propre pays. Dans la plupart des autres pays, un tel succès a des répercussions concrètes sur la carrière. En Allemagne, par exemple, les lauréates sont d’office admises à la fondation qui octroie les bourses d’études. En Suisse, on observe une certaine retenue: les performances sportives sont célébrées, l’excellence intellectuelle est plutôt regardée avec méfiance. C’est dommage. Je conseille vivement de participer. Il y a dans le monde entier des jeunes qui poursuivent le même objectif.»

Conrad Krausche | Photo: Fabian Hugo
«Sans les Olympiades, je n’aurais probablement pas étudié la philosophie.»
«Au gymnase, j’étais le seul de ma classe à me passionner pour la science. Les autres avaient déjà des idées concrètes et voulaient étudier la médecine, le droit ou l’économie. Mon professeur de philosophie m’a encouragé à participer aux Olympiades de science. J’ai trouvé sympa de rencontrer des filles et des garçons d’autres pays partageant mon engouement. J’ai décroché la médaille d’argent avec un essai sur Thomas Hobbes. Jonas Pfister, que de nombreuses personnes connaissent en raison de son introduction à la philosophie, faisait alors partie du comité d’évaluation. Par la suite, il a été mon professeur de philosophie. Il m’a raconté que le comité avait presque été dissous, car ses membres du nord de l’Europe et ceux des pays du Sud et de l’Est ne parvenaient pas à se mettre d’accord sur les critères d’évaluation. Les premiers honoraient plutôt les idées, les autres la maîtrise des faits. Ils ont tout de même fini par trouver un terrain d’entente.
En Roumanie, je suis aussi devenu fan de métal progressif. Tout cela parce qu’un participant finlandais, très séduisant, était littéralement harcelé aux Olympiades. C’en était trop pour lui et il m’a proposé de faire un tour en ville pour échapper à ses admiratrices. Il portait un T-Shirt à l’effigie d’un groupe de musiciens. Je lui en ai parlé, il m’en a parlé et m’a fait écouter la musique. J’ai adoré, au point d’assister plus tard à un concert. Bien entendu, j’étais fier de ma médaille, mais c’était plutôt une affaire personnelle. Cela ne m’a pas apporté grand-chose en termes de carrière, mais c’était une expérience formidable et cela a éveillé mon intérêt pour les essais. Sans les Jeux olympiques, je n’aurais probablement pas étudié la philosophie et encore moins entrepris une thèse. Je n’ai hélas pas pu la terminer pour des raisons financières. L’envie d’écrire, elle, est restée.»

Lê Thanh Phong | Photo: Fabian Hugo
«Cela m’a aidé à relativiser face aux examens de l’EPFL.»
«La plus grande influence des Olympiades de physique et de chimie sur mon parcours se situe probablement au niveau de mon allemand! J’ai eu la motivation de l’apprendre vraiment au contact des participants alémaniques, et encore aujourd’hui, c’est par mes activités dans les associations des Olympiades que je l’entretiens. Au début, j’ai été responsable de l’organisation des examens et camps de préparation qui avaient lieu à l’EPFL. Maintenant, je cède la place à la relève, mais je continue à donner un coup de main lors des événements, je crée des questions d’examens ou je donne des cours de physique. On fait ça avec des bénévoles de toute la Suisse, on a la même passion, c’est vraiment chouette.
Je savais depuis longtemps que je voulais étudier la physique, rien n’a changé de ce point de vue. Je suis tombé un jour sur une affiche sur la porte de mon gymnase et j’ai décidé de participer, d’abord en physique seulement, puis l’année suivante en physique et en chimie. L’intérêt était déjà là. J’ai juste appris une partie de la matière un peu plus tôt. Et cela m’a aidé à relativiser face aux examens de l’EPFL: les questions n’étaient pas aussi compliquées qu’aux Olympiades!
Mais le concours n’est pas l’essentiel. Quand je repense à ma participation, je me souviens surtout des lieux et visites. Notamment le château médiéval de Rakvere, en Estonie, où on avait fait du tir à l’arc et du lancer de pierre pendant la finale de physique de Tallinn et Tartu. Ou encore le NASA Goddard Space Flight Center, visité lors de la finale de chimie à Washington D.C. et au Maryland, aux Etats-Unis. Quand on a organisé des finales internationales en Suisse, on a aussi mis l’accent sur des excursions mémorables: le CERN pour la physique en 2016 et une sortie touristique entre Lucerne et le Rigi Kulm pour la chimie en 2023. Si j’avais un conseil à donner à de potentielles participantes, ça serait de ne pas se mettre la pression et de profiter au maximum!»

Mathilde Rolle | Photo: Fabian Hugo
«C’était tout bonus, on y allait pour le plaisir et les rencontres.»
«Quand j'y repense, tout était assez impressionnant, pas seulement les examens. Je me souviens des parties d’Uno avec des gens venus du monde entier. De l’Arménie et sa capitale Erevan, où s’est déroulée la finale. De la visite d’un ancien monastère dans les montagnes, dans un paysage incroyable. Ou encore du voyage de retour en train à travers la Turquie. Tout cela était inoubliable.
J’ai moi-même embarqué dans l’aventure un peu par hasard. Je pratique l’équitation depuis mes 6 ans, et cette passion m’a amenée à vouloir devenir vétérinaire et a contribué à me faire adorer la biologie. Mon prof de deuxième a fait de la pub en disant que la finale consistait en une semaine dans les laboratoires de l’Université de Berne. L’idée de pouvoir jouer avec des pipettes et faire la vraie scientifique m’a immédiatement motivée. J’ai participé les trois années qui me restaient jusqu’à la matu. Et la troisième fut la bonne, j’ai passé les deux premiers tours et atteint les labos de Berne. Nous étions 20, pendant les vacances de Pâques, à répondre à des questions théoriques, faire des dissections, des coupes de plantes, suivre des protocoles de biochimie… J’ai adoré, mais c’était très exigeant, alors j’ai vraiment été surprise de faire partie des quatre qualifiés pour la finale internationale. A partir de là, c’était tout bonus.
Les Olympiades ont eu un énorme impact positif sur mes études en médecine vétérinaire. Le script de 430 pages distribué à la semaine de préparation avant le deuxième tour couvrait une grande partie de mon programme de première année! Et j’ai rejoint l’association suisse en tant que bénévole, ce qui me fait de bons amis dans tout le pays. Je suis devenue responsable de la Suisse romande, où le concours reste peu connu et perçu comme compétitif avant tout, ce qui n’est pas le but. Je veux offrir à d’autres jeunes la chance de vivre cette expérience!»