pollution lacustre
Bactéries toxiques au fond des tréfonds
Malgré les efforts pour endiguer la surfertilisation, des cyanobactéries vivent toujours dans le lac de Hallwil. Plus elles descendent en profondeur, plus elles posent problème pour l’eau potable.
Bien que la pollution des lacs suisses par le phosphore ait diminué, une cyanobactérie toxique est encore largement répandue. Elle colonise désormais des profondeurs toujours plus importantes et pourrait à long terme s’enfoncer dans des zones de turbulence. C’est ainsi qu’elle pourrait remonter à la surface, comme le montrent des scientifiques de l’Université de Genève. Ena Lucia Suarez et Bastiaan Ibelings étudient l’eutrophisation (un enrichissement en substances nutritives dans un écosystème, généralement dû à l’homme, ndlr) du lac de Hallwil dans le canton d’Argovie à l’aide de données collectées sur une période de 35 ans.
Cette eutrophisation était notamment la conséquence d’un enrichissement important en phosphore durant la seconde moitié du XXe siècle. Elle a favorisé la croissance de microalgues et de cyanobactéries toxiques. Première découverte: même si la quantité de phosphore a diminué dans le lac, la cyanobactérie toxique rouge planktothrix rubescens domine toujours. En effet, «le manque de phosphore réduit la croissance du phytoplancton à la surface du lac. De ce fait, davantage de lumière parvient dans les profondeurs moyennes du lac, où vit normalement la cyanobactérie, note Bastiaan Ibelings. Comme l’espèce est capable de photosynthétiser, sa croissance a explosé.»
Les scientifiques ont en outre constaté que plus l’eau devenait claire, plus la cyanobactérie s’installait dans des couches profondes. En cause, les sucres qu’elle produit en grande quantité et qui l’entraînent vers le fond comme un lest. La cyanobactérie se trouve actuellement à 7,7 mètres plus bas qu’en 2000, soit dans la couche la plus profonde et froide du lac.
«Cela pourrait poser un problème pour l’eau potable, car le captage se fait normalement à cette profondeur», analyse Bastiaan Ibelings. Si la cyanobactérie continue de descendre au rythme actuel de 30 cm par an, elle atteindra un jour des couches de turbulences, ce qui pourrait la faire remonter à nouveau, suppose le chercheur. Il faut donc poursuivre la surveillance des cyanobactéries, en tenant compte des effets à long terme de la réduction du phosphore et du réchauffement climatique.