RECHERCHE SUR LE CERVEAU
De nombreux cerveaux de souris pour un spectre autistique
Le traitement de l’autisme est complexe. Grâce à divers modèles de cerveaux de souris, on arrive à en comprendre les multiples causes.
Elles sont aussi mignonnes que leurs congénères n’ayant pas subi de modifications génétiques et pourtant, on note des différences. Ainsi, certaines souris ne s’intéressent guère à leurs semblables, ne les approchent pas et ne les reniflent pas. «D’autres ont des comportements répétitifs, font par exemple beaucoup plus souvent leur toilette que d’habitude», note Valerio Zerbi, neuroscientifique à l’EPFL. Il décrit ainsi le comportement de souris génétiquement modifiées en direction de l’autisme.
A préciser: l’autisme n’existe pas chez la souris. Mais la recherche sur l’être humain montre que les troubles du spectre autistique (TSA) ont des causes génétiques. Aujourd’hui, une centaine de gènes dont les variations sont liées aux TSA ont pu être identifiés. Des équipes de scientifiques sont à peu près parvenues à reproduire certaines de ces variations chez les souris. Ces rongeurs «nous permettent d’étudier les conséquences de différentes modifications génétiques», explique Valerio Zerbi. Lui-même s’intéresse à leur influence sur certains réseaux cérébraux – des régions du cerveau actives de manière coordonnée pour remplir une fonction. Le chercheur les rend visibles à l’aide de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf). C’est ainsi qu’il a récemment contribué à mieux comprendre l’autisme chez l’être humain. Pour cela, il a examiné avec une équipe internationale le réseau du mode par défaut. Il s’agit du réseau des régions cérébrales actives en situation de repos – pendant une rêverie chez l’être humain ou lors de pensées erratiques. Et chez les souris quand elles sont anesthésiées pour une IRMf. Valerio Zerbi a examiné 16 modèles de souris – et donc 16 causes différentes – et les a comparés à ceux de souris non modifiées.
Il a découvert que pour tous les modèles de souris autistes, le réseau du mode par défaut fonctionne autrement que celui des souris non modifiées. Les régions du réseau sont synchronisées différemment les unes avec les autres, et certaines connexions sont rompues. «Le réseau a quasiment perdu son équilibre naturel», note le neuroscientifique. Et cela, de diverses manières selon la cause. Ainsi, aucun des changements parmi les 16 modèles de souris n’apparaît plusieurs fois. Il a toutefois pu répartir les rongeurs en quatre groupes dont les changements vont dans une direction analogue. «Pour la première fois dans la recherche sur l’autisme, nous avons ainsi trouvé une relation de cause à effet dans le cerveau.»
La cerise sur le gâteau: l’équipe n’est parvenue à ces résultats que parce qu’elle a examiné plusieurs modèles de souris et donc étudié séparément chaque cause. «C’est exactement ce que la recherche sur l’autisme chez l’être humain devrait faire plus souvent», note le chercheur. Jusqu’ici, c’était plutôt le contraire: les scientifiques cherchaient souvent la seule différence entre personnes neurotypiques et celles atteintes d’autisme – sans tenir compte des multiples causes du trouble. «C’est pourquoi dans le passé de nombreuses études sur l’autisme n’ont pas abouti», dit Valerio Zerbi.
Pas de dopamine lors des contacts
Ce que confirme Camilla Bellone, neuroscientifique et professeure à l’Université de Genève. Elle aussi étudie les TSA à l’aide de modèles de souris. Elle se concentre actuellement sur les neurones à dopamine du cerveau qui font partie du système de récompense et de motivation. Elle suppose que certaines causes de TSA empêchent les personnes touchées d’être récompensées par la dopamine: «Nous pouvons étudier de tels effets chez la souris et tester comment les neutraliser.» Selon elle, de telles constatations peuvent tout à fait être transposées à l’humain, mais seulement si les personnes atteintes sont aussi traitées en fonction des causes. En guise d’exemple négatif, elle cite une substance active qui avait suscité de grands espoirs il y a quelques années. La substance, un certain antagoniste des récepteurs cérébraux, avait été développée et testée dans la recherche préclinique à l’aide d’un seul modèle de souris autiste. Dans l’étude clinique sur l’humain, il aurait toutefois dû agir de la même façon pour toutes les personnes atteintes de TSA. «Il est clair que cela ne pouvait pas fonctionner», dit la professeure, qui souhaite donc une meilleure communication entre les scientifiques menant des recherches précliniques et cliniques, afin qu’à l’avenir, les savoirs acquis sur les souris profitent réellement aux personnes concernées.