TRIBUNE
Eviter la fuite des cerveaux d’Ukraine
La protection de la recherche en Ukraine nécessite un soutien à long terme. Laura Bernardi, vice-présidente du Conseil national de la recherche du FNS formule des propositions concrètes.
Dans l’œuvre de Rubens «Les conséquences de la guerre» (1637- 1638), à la Galleria Palatina de Florence, Mars, le dieu de la guerre, terrasse de sa fureur trois personnages, dont une femme et un homme tenant respectivement un luth et un compas, symboles de l’art et de la science. La force de l’image allégorique est renouvelée par le retour de la guerre en Europe.
La guerre inflige divers types de dégâts à la recherche. D’abord, la mise en péril des scientifiques et de leurs travaux. La science étant internationale, la solidarité s’est organisée rapidement lors du conflit actuel en Ukraine. Le FNS a agi rapidement et débloqué jusqu’ici 9 millions de francs pour le soutien des chercheuses et chercheurs fuyant la guerre en Ukraine. Une aide d’urgence certes cruciale, mais peut-on faire plus, ou mieux? Peut-être, en s’attaquant aux effets à long terme:
- Nous pourrions soutenir la préservation de données, d’infrastructures et leur fonctionnement. En priorité, nous devons offrir le transfert et stockage des données numériques ainsi que d’inestimables collections physiques pour éviter leur destruction.
- Nous pourrions soutenir la réinsertion de scientifiques partis durant la guerre et offrir des collaborations à celles et ceux actifs dans les zones d’après-guerre. L’aide d’urgence peut involontairement induire une fuite de cerveaux à long terme et à son tour gravement réduire la capacité de recherche des anciennes zones de conflit. Des financements spécifiques pourraient réduire ces risques.
- Nous pourrions continuer à travailler avec des chercheuses et chercheurs opposés à la guerre menée par leur gouvernement. Plusieurs scientifiques russes ont réprouvé la guerre. La communauté internationale se divise entre ceux en faveur de leur soutien et ceux qui exigent l’arrêt immédiat de toute relation. Il existe de bonnes raisons pour la première option, dont la plus grande vulnérabilité de la relève scientifique dans une telle situation. Les encourager à rester dans la science soutient l’avenir de la recherche.
- Nous pourrions préserver la diversité de la recherche pour éviter que la pression pour plus de dépenses militaires n’entraîne une baisse sélective des financements dans les domaines de la recherche sans lien avec les régimes engagés dans la guerre.
Quand Mars brandit ses armes, les effets jettent de longues ombres sur l’avenir de la recherche. Pour les dissiper plus vite, il nous faut une politique claire de soutien à la recherche d’après-guerre.