DÉBAT
L’âge doit-il être traité comme une maladie?
Et si le vieillissement était en fait une maladie? Derrière la question du regard sur l’âge se cachent aussi des souhaits contradictoires: vivre éternellement ou valoriser davantage la vieillesse comme un processus porteur de sens.
Le second processus est l’émergence et la progression, à la fin de la vie, de problèmes de santé. Soit le déclin des fonctions mentales et physiques qui résulte de l’accumulation de ces modifications au-delà du niveau que le corps a appris à tolérer. Le second processus étant indésirable, nous pouvons qualifier de «dégâts» les changements qui relient ces deux processus (puisqu’ils sont la conséquence du processus de vie et la cause du processus survenant à un âge avancé). Par convention, certains problèmes qui résultent du second processus – tels qu’Alzheimer, la plupart des cancers ou le diabète de type 2 – sont qualifiés de «maladies», tandis que d’autres – tels que la fragilité, la sarcopénie ou l’immunosénescence – sont classés comme du «vieillissement proprement dit». Or, cette distinction sémantique n’a aucun sens et aucun fondement biologique. En réalité, les prétendues maladies de l’âge ne sont que les aspects du vieillissement que nous avons décidé de nommer comme des maladies. Ainsi, que nous choisissions ou non d’appeler le vieillissement une maladie (ou un ensemble de maladies), c’est un problème médical qui devrait être traité comme tel. Certes, en tant qu’effet secondaire de la vie, vieillir ne peut être «guéri» comme une infection, ce qui signifierait l’éliminer de l’organisme en un seul traitement. Néanmoins, nous pouvons prévenir l’apparition et la progression des problèmes de santé à la fin de la vie en réparant régulièrement les dégâts avec des thérapies régénératives telles que les cellules souches et d’autres méthodes comme la dégradation enzymatique des déchets. Et préserver ainsi la jeunesse des fonctions physiques et mentales – potentiellement indéfiniment. Des percées récentes dans des laboratoires du monde entier ont montré sans équivoque que cet objectif est réalisable. Il devrait donc constituer notre priorité absolue.
Aubrey de Grey est gérontologue biomédical et directeur scientifique de la fondation de recherche SENS qui s’engage pour combattre le vieillissement.
Nous commençons à vieillir avant la naissance déjà et, comme le renouvellement cellulaire, la mort quotidienne des cellules fait partie de notre vie. Ce processus est irréversible mais, en dépit de bases biologiques identiques pour tous les humains, il peut varier fortement selon les personnes. Dans une perspective historique et exception faite d’exemples particuliers comme celui du roi Ramsès II qui a atteint une nonantaine d’années dans l’Egypte antique, l’augmentation de l’espérance de vie moyenne est un phénomène très récent. Grâce à l’amélioration des conditions de vie et aux progrès de la médecine et de l’hygiène, elle a plus que doublé au cours des 130 dernières années, passant de 40 ans en 1890 à 83 ans environ actuellement en Suisse. La phase de «vieillesse» que connaissent aujourd’hui la plupart des gens (environ entre 65 ans et la fin de la vie) est la conséquence de ce développement positif, la recherche estimant que la limite biologique de la longévité se situe autour des 120 ans chez les êtres humains.
à l’infini.»
Le processus permanent de vieillissement structure notre vie en différentes phases: enfance et adolescence, âge adulte, âge mûr/retraite, grand âge. Chaque phase présente des défis spécifiques et a sa propre valeur. L’être humain a conscience de sa finitude et le caractère processuel de son vieillissement l’aide à l’accepter. La vieillesse ne doit être ni traitée ni considérée comme une maladie, mais comme une phase du cours naturel de la vie qui trouve sa qualité actuelle précisément dans sa finitude. L’être humain ne vit de manière consciente que parce qu’il sait que sa vie aura une fin et ses expériences deviennent uniques précisément parce qu’elles ne peuvent ni être répétées à l’infini ni être réalisées dans toutes les phases de la vie.
Le processus de vieillissement est une caractéristique fondamentale des organismes complexes. Il ne doit pas être considéré uniquement comme un phénomène biologique, mais surtout dans ses multiples dimensions – en tant que processus psychique, social, cognitif ou encore spirituel – et comme une composante du développement humain et de la maturation intérieure.
La sociologue Sabina Misoch dirige l’Institut de recherche sur l’âge de la Haute école spécialisée de Suisse orientale et mène des recherches sur les rapports avec les personnes de plus de 65 ans.
Le vieillissement se définit au mieux comme la combinaison de deux processus. Le premier est l’accumulation tout au long de la vie – qui commence littéralement avant la naissance – de modifications dans la structure et la composition moléculaires et cellulaires du corps, qui sont les effets secondaires du fonctionnement normal de l’organisme.
Le second processus est l’émergence et la progression, à la fin de la vie, de problèmes de santé. Soit le déclin des fonctions mentales et physiques qui résulte de l’accumulation de ces modifications au-delà du niveau que le corps a appris à tolérer. Le second processus étant indésirable, nous pouvons qualifier de «dégâts» les changements qui relient ces deux processus (puisqu’ils sont la conséquence du processus de vie et la cause du processus survenant à un âge avancé). Par convention, certains problèmes qui résultent du second processus – tels qu’Alzheimer, la plupart des cancers ou le diabète de type 2 – sont qualifiés de «maladies», tandis que d’autres – tels que la fragilité, la sarcopénie ou l’immunosénescence – sont classés comme du «vieillissement proprement dit». Or, cette distinction sémantique n’a aucun sens et aucun fondement biologique. En réalité, les prétendues maladies de l’âge ne sont que les aspects du vieillissement que nous avons décidé de nommer comme des maladies. Ainsi, que nous choisissions ou non d’appeler le vieillissement une maladie (ou un ensemble de maladies), c’est un problème médical qui devrait être traité comme tel. Certes, en tant qu’effet secondaire de la vie, vieillir ne peut être «guéri» comme une infection, ce qui signifierait l’éliminer de l’organisme en un seul traitement. Néanmoins, nous pouvons prévenir l’apparition et la progression des problèmes de santé à la fin de la vie en réparant régulièrement les dégâts avec des thérapies régénératives telles que les cellules souches et d’autres méthodes comme la dégradation enzymatique des déchets. Et préserver ainsi la jeunesse des fonctions physiques et mentales – potentiellement indéfiniment. Des percées récentes dans des laboratoires du monde entier ont montré sans équivoque que cet objectif est réalisable. Il devrait donc constituer notre priorité absolue.
Aubrey de Grey est gérontologue biomédical et directeur scientifique de la fondation de recherche SENS qui s’engage pour combattre le vieillissement.
Nous commençons à vieillir avant la naissance déjà et, comme le renouvellement cellulaire, la mort quotidienne des cellules fait partie de notre vie. Ce processus est irréversible mais, en dépit de bases biologiques identiques pour tous les humains, il peut varier fortement selon les personnes. Dans une perspective historique et exception faite d’exemples particuliers comme celui du roi Ramsès II qui a atteint une nonantaine d’années dans l’Egypte antique, l’augmentation de l’espérance de vie moyenne est un phénomène très récent. Grâce à l’amélioration des conditions de vie et aux progrès de la médecine et de l’hygiène, elle a plus que doublé au cours des 130 dernières années, passant de 40 ans en 1890 à 83 ans environ actuellement en Suisse. La phase de «vieillesse» que connaissent aujourd’hui la plupart des gens (environ entre 65 ans et la fin de la vie) est la conséquence de ce développement positif, la recherche estimant que la limite biologique de la longévité se situe autour des 120 ans chez les êtres humains.
à l’infini.»
Le processus permanent de vieillissement structure notre vie en différentes phases: enfance et adolescence, âge adulte, âge mûr/retraite, grand âge. Chaque phase présente des défis spécifiques et a sa propre valeur. L’être humain a conscience de sa finitude et le caractère processuel de son vieillissement l’aide à l’accepter. La vieillesse ne doit être ni traitée ni considérée comme une maladie, mais comme une phase du cours naturel de la vie qui trouve sa qualité actuelle précisément dans sa finitude. L’être humain ne vit de manière consciente que parce qu’il sait que sa vie aura une fin et ses expériences deviennent uniques précisément parce qu’elles ne peuvent ni être répétées à l’infini ni être réalisées dans toutes les phases de la vie.
Le processus de vieillissement est une caractéristique fondamentale des organismes complexes. Il ne doit pas être considéré uniquement comme un phénomène biologique, mais surtout dans ses multiples dimensions – en tant que processus psychique, social, cognitif ou encore spirituel – et comme une composante du développement humain et de la maturation intérieure.
La sociologue Sabina Misoch dirige l’Institut de recherche sur l’âge de la Haute école spécialisée de Suisse orientale et mène des recherches sur les rapports avec les personnes de plus de 65 ans.