La monoculture n’est pas forcément efficace
Mélanger différents types de plantes peut les aider à mieux pousser. De quoi questionner un dogme agricole: celui de la monoculture.
La monoculture est la règle dans les champs cultivés sous nos latitudes. Elle facilite le travail ainsi que la récolte. Cependant, les écosystèmes naturels montrent bien que la variété botanique a un effet positif sur la croissance des végétaux. Cet effet de la biodiversité résulte des interactions entre les différentes plantes ainsi qu’avec le sol. Se pose alors la question de savoir si l’agriculture ne pourrait pas en tirer parti.
«Des études ont été consacrées aux effets de la biodiversité sur les plantes cultivées en champs, mais avec des résultats contradictoires», relève Christian Schöb, spécialiste en agroécologie à l’ETH Zurich. Avec des collègues à Madrid, il a cherché à savoir si ces effets s’observaient également sur les plantes agricoles et dans quelles conditions.
Dans une première expérience, les chercheurs ont cultivé huit plantes, soit en monoculture, soit en culture mixte comprenant deux à quatre espèces végétales. Ils ont comparé leur croissance en relevant la hauteur des plantes ainsi que la surface et la masse foliaire. Les plantes choisies pour l’expérience se répartissent en des groupes fonctionnels très distincts: pois et pois chiches fixant l’azote présent dans l’air, tomates et tournesols comme représentants des plantes herbacées, et graminées fonctionnant avec des types de photosynthèse différents (avoine, blé dur et millet).
L’effet observé sur la croissance est plus important lorsque les scientifiques ont combiné des espèces issues de groupes fonctionnels différents – par exemple des tournesols avec de l’avoine ou des tomates avec du millet – que lorsqu’elles appartenaient au même groupe. Dans ce cas, elles utilisent les mêmes ressources, ce qui crée une situation de concurrence. Elles développent des rhizomes similaires, préfèrent des sols et des conditions climatiques semblables, et poussent et mûrissent plus ou moins en même temps. Au contraire, les espèces présentant des disparités fonctionnelles sont complémentaires et s’influencent de manière positive.
Les plantes sauvages en profitent plus
Christian Schöb et son équipe ont également comparé la croissance des plantes utiles avec celle de plantes sauvages apparentées: «L’effet de la biodiversité était moindre dans les co-cultures des plantes utiles que dans celles des variétés sauvages. Nous pensons que, dans le cas des plantes utiles, la variabilité génétique nécessaire à l’effet de la biodiversité s’est perdue, suite à des décennies de domestication et de sélection visant à ne garder qu’un petit nombre de propriétés telles que le rendement, la robustesse ou encore la résistance aux nuisibles.» Alors que la diversité génétique des plantes sauvages leur permet de mieux réagir aux effets de la sélection expérimentale.
Les gènes qui contribuent à l’effet de la biodiversité n’ont pas encore été clairement définis. Samuel Wüst et Pascal Niklaus de l’Université de Zurich sont déjà parvenus, à l’aide de la plante modèle Arabidopsis thaliana, à identifier une région d’un chromosome. «Nous avons été très surpris de découvrir que des propriétés aussi complexes et encore mal comprises des plantes telles que leur capacité à coopérer reposent sur une base génétique aussi simple», note Samuel Wüst. Il est néanmoins improbable qu’un seul gène soit impliqué.
Christian Schöb et ses collègues examinent désormais si l’effet de la biodiversité se manifeste plus nettement lorsque la co-culture des plantes utiles se prolonge, dans une expérience menée avec huit espèces fonctionnellement distinctes. Dans ce cas, il s’agirait d’une confirmation des résultats obtenus par Bernhard Schmid à l’institut de géographie de l’Université de Zurich: ceux-ci montrent que les effets de la biodiversité se renforcent en raison d’adaptations évolutives entre les espèces coexistantes. «Ce type d’études est extrêmement important pour l’agriculture, souligne Bernhard Schmid. Il reste du travail, mais je suis certain que l’agriculture va changer en profondeur d’ici à dix ans peut-être, et qu’elle sera plus rentable et plus durable en tirant parti de la biodiversité.»