Un mort dans le scanner
Les autopsies ont beau être essentielles, leur nombre a chuté en Suisse. Des médecins proposent de remplacer le scalpel par l’imagerie.
L’autopsie permet d’établir avec certitude la cause d’un décès et constitue l’une des meilleures méthodes pour le contrôle qualité dans les hôpitaux: elle peut confirmer un diagnostic, indiquer l’efficacité d’un traitement ainsi que ses effets secondaires, ou révéler qu’un problème médical n’avait pas été pris en considération. «Un hôpital qui ne conduit pas d’autopsies ne sait pas de quoi meurent ses patients», résume Alexandar Tzankov, responsable de l’autopsie et de l’histopathologie à l’Hôpital universitaire de Bâle.
Pourtant, leur nombre a chuté en Suisse ces vingt dernières années: il est passé de 8000 par an à 2000. Alexandar Tzankov cite plusieurs raisons. Les patients et les proches doivent donner leur accord, et ne le font pas toujours. De plus, les médecins éprouvent souvent de la difficulté à demander aux proches leur consentement lors de l’annonce d’un décès. Et certains cliniciens sont convaincus de déjà tout savoir.
Tester la méthode
A l’avenir, l’imagerie médicale devrait être utilisée comme alternative à l’autopsie. «Nous pensons que les proches auraient plutôt tendance à autoriser une telle investigation non invasive qu’une autopsie lors de laquelle on ouvre le corps», avance Wolf-Dieter Zech de l’Institut de médecine légale de l’Université de Berne. Son objectif, au cours des prochaines années, est de vérifier si l’imagerie postmortem fournit des informations fiables en effectuant avant l’autopsie un scan ou une imagerie par résonance nucléaire (IRM) sur les corps. Des radiologues posent ensuite un diagnostic sur la base des clichés, sans connaissance préalable de l’anamnèse. Wolf-Dieter Zech vérifie ensuite si les résultats correspondent à ceux de l’autopsie classique.
Les études menées jusque-là ont montré que les résultats d’examens fréquents, comme l’infarctus du myocarde, les tumeurs et les inflammations, étaient bien visibles avec l’imagerie postmortem. Lors d’une autopsie classique, les pathologistes identifient par exemple un infarctus du myocarde au fait que les tissus du muscle cardiaque présentent un autre état, notamment une autre couleur. Sur une IRM, la modification du muscle cardiaque endommagé est identifiable par des niveaux de gris différents.
Eva Scheurer, directrice de l’Institut de médecine légale de la ville de Bâle, croit elle aussi au potentiel de l’imagerie postmortem: «Après la mort, bien des choses changent dans l’organisme, et cela a un impact sur ce que l’on voit à l’IRM. Il faut donc procéder à une adaptation spécifique du protocole.» Par exemple, le contraste dans une IRM dépend largement de la température corporelle, évidemment bien plus basse dans le cas d’un cadavre, note la médecin légiste et physicienne, qui mène une étude sur la manière dont le cerveau mort apparaît à l’IRM.
Autre avantage: les images numériques peuvent être évaluées par des radiologues spécialement formés. «Cela permettrait de compenser au moins partiellement la perte d’informations liée à la diminution considérable du nombre d’autopsies», estime Wolf-Dieter Zech. Eva Scheurer partage son point de vue: «L’autopsie reste l’étalon, mais en fin de compte, une IRM vaut toujours mieux que rien du tout.»