L’ananas équitable ne profite pas aux petits producteurs
Les certifications requises pour les fruits tropicaux pénalisent les petites plantations.
L’ananas parfait se doit d’être sucré et d’un jaune doré, doté d’une belle couronne et provenir du commerce équitable. Les conditions posées par les grands distributeurs occidentaux sont élevées et seule une production standardisée peut y répondre. La sociologue Nadine Arnold, de l’Université de Lucerne, a étudié les effets des standards du commerce équitable sur la culture des ananas au Ghana.
Pour sa recherche, elle a suivi dans leurs tâches quotidiennes des travailleurs, des petits paysans, des propriétaires de plantations ainsi que des responsables de la qualité et des exportations. Elle a analysé les stades de la production soumis à des standards précis et mesuré l’influence de ces derniers sur le quotidien des personnes engagés dans les plantations. Au-delà de l’aspect du développement durable, ils concernent la taille, la couleur, la forme et le poids des fruits ainsi que leurs variétés. «Satisfaire toutes ces exigences à la fois relève de la performance, souligne la sociologue. Les producteurs alignent l’ensemble de la culture sur ces multiples directives.»
Au Ghana, l’ananas équitable ne fait pas que des gagnants, mais aussi des perdants. Souvent, les planteurs ne peuvent vendre qu’une fraction de leur récolte à de bonnes conditions. Les deux seules coopératives certifiées «fairtrade» parviennent à répondre aux normes uniquement grâce au soutien d’acheteurs locaux.
Paradoxalement, les coopératives de petits paysans que le système de commerce équitable voulait initialement épauler se voient pénalisées. Les responsables de certaines plantations réfléchissent même à en sortir. Quelle solution adopter? «Moins de standards», répond Nadine Arnold. Mais les consommateurs devraient être prêts à acheter de petits ananas à la forme imparfaite, et pas seulement des fruits impeccables.
N. Arnold: Die Produzenten in moralisierten Märkten. Zeitschrift für Soziologie (2019)