Les paramécies – ici agrandies 500 fois – sont capables de se débarrasser de l’ADN poubelle, du matériel génétique inutile. | Image: Keystone/Science Photo Library/Steve Gschmeissner

La plus grande partie du génome des organismes supérieurs est l’ADN poubelle, un rebut du matériel génétique ne contenant pas de code pour la fabrication de protéines. La science cherche encore les raisons de son existence depuis des décennies, en se demandant quel rôle biologique ces éléments non codants peuvent bien jouer.

L’équipe de Mariusz Nowacki à l’Institut de biologie moléculaire de l’Université de Berne a examiné comment les paramécies gèrent de telles séquences d’ADN, souvent considérées comme parasitaires. Le résultat semble plutôt paradoxal: elles utilisent expressément ces éléments pour s’en défaire. Autrement dit, les déchets servent à éliminer les déchets.

Deux noyaux cellulaires

Les paramécies – des êtres unicellulaires aquatiques – s’avèrent particulièrement intéressantes dans l’étude du rôle de l’ADN non codant parce qu’elles possèdent deux types de noyaux cellulaires. Le petit, appelé micronucleus, héberge la lignée germinale du génome, qui est destinée uniquement à la reproduction sexuée et non pas à la fabrication de protéines. Il fourmille d’ADN poubelle.

Le second noyau, le macronucleus, contient plus de 800 copies du génome. Elles sont optimisées pour les besoins immédiats de la paramécie. Afin de produire le macronucléus, le matériel génétique de l’unicellulaire est à la fois multiplié et élagué. Ces copies constituent une formulation épurée de tous les gènes de la paramécie, d’où les éléments non codants sont écartés. Néanmoins, ces copies optimales s’avèrent instables à terme. «C’est pourquoi les paramécies se reproduisent de temps à autre de manière sexuée, afin de générer un nouveau macronucléus», explique Mariusz Nowacki. Des résidus génétiques indésirables doivent donc être à nouveau éliminés.

Jusqu’à présent, les scientifiques supposaient que les unicellulaires le faisaient en coupant ces éléments d’ADN non codants avant de les détruire. L’équipe de Mariusz Nowacki a montré que c’était faux et que les paramécies «recollent ensemble les fragments écartés afin de former des boucles et des rubans». La lecture de ces assemblages par l’appareillage génétique de la paramécie génère des modèles de recherche capables d’identifier et d’écarter les autres éléments parasitaires apparaissant dans ce matériel héréditaire en pleine démultiplication. Le processus s’auto-alimente: chaque séquence permet d’identifier d’autres éléments parasitaires et de créer ainsi de nouveaux assemblages.

Ce type de mécanisme – intercepter des éléments génétiques indésirables pour en chercher d’autres – a également lieu dans les cellules des animaux et des plantes, qui peuvent ainsi désactiver ou neutraliser certaines parties de leur génome. Ce processus pourrait jouer un rôle important dans la protection du matériel génétique contre les éléments parasitaires.

Cette vue est partagée par Rebecca Zufall, spécialiste du génome de la paramécie à l’Université de Houston. Elle loue le travail réalisé en Suisse: «Il livre un modèle clair et pertinent de boucle de réaction positive, qui tient bien la route compte tenu du double génome de l’unicellulaire.»

Ori Schipper travaille à la Ligue suisse contre le cancer et comme journaliste scientifique libre.

S. E. Allen, et al.: Circular Concatemers of Ultra-Short DNA Segments Produce Regulatory RNAs. Cell (2017)
38 Fonds national suisse – Académies suisses: Horizons no 114
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